Re: à votre avis...
Par définition non, Soul riddim. Une religion est un ensemble de croyances et de dogmes définissant le rapport de l'homme avec le sacré.
Jah est une abréviation de Jahvé ou Yahvé. ("Celui qui est"), nom que le peuple d'Israël a privilégié pour désigner son Dieu. Apparaissant pour la première fois dans la génèse (II, 4), il est mentionné comme ayant été révélé à Moïse (Exode, III, 14 ) avec cette signification: "je suis".
Pour comprendre le culte voué à Jah il est important de connaître l'origine du rastafarisme.
Voici un beau copier/coller:
Le Rastafarisme
La Jamaïque fut colonisée par lEspagne au début du XVe siècle, puis, après le déclin rapide de la population indienne, des esclaves dorigine africaine furent massivement importés. En 1655, les Britanniques dépossédèrent les Espagnols de la Jamaïque qui y laissèrent leurs esclaves. Ceux-ci furent appelés "Marroons". Le terme "Marroon" prit la signification de "fier et sauvage" au fil du temps. Ainsi, les "Marroons" se dressèrent contre la domination britannique et menèrent une lutte acharnée.
La lutte des "Marroons" ne doit pas être assimilée à une simple révolte desclaves. Sa durée dénote une volonté profonde de ne pas se plier à lesclavage lié à la forte cohésion ethnique des rebelles. Les leaders venaient en effet dune même tribu ghanéenne et le mouvement tenait donc à affirmer son identité africaine et son indépendance.
Des formes de rébellion apparaissent et caractérisent la volonté de revendiquer une plus grande liberté à limage de la "Sam Sharpe Rebellion" en 1831. Cette révolte menée par lesclave Samuel Sharpe sinscrit dans un contexte critique pour la population noire. En effet, ceux-ci commençaient à se rendre compte de leur situation socio-économique : les esclaves haïtiens étaient libres depuis 1815.
Sam Sharpe était parmi les plus instruits et possédait une puissante influence charismatique. Cest en 1831 quil décide de prendre le commandement dune grande rébellion qui devait conduire à labolition de lesclavage.
La rébellion débuta à la fin du mois de décembre à Montego Bay, une baie située au Nord-Ouest de la Jamaïque. Elle sétendit rapidement à tout louest du territoire et poussa les colons à la fuite. Au début de 1832, la loi martiale fut déclarée et des renforts de troupe envoyés. La révolte fut alors écrasée en quelques mois et Sam Sharpe exécuté à la fin du mois de mai. Ce combat conduisit tout de même à labolition de lesclavage en 1834.
Mais en 1865 un nouveau vent de révolte souffle sur la Jamaïque cest la "Morant Bay Rebellion". Cette rébellion se caractérise par des causes directement liées à la révolte des "Marroons" dont la majorité étaient devenue planteurs après la fin de leur rébellion. Elle trouve dautres fondements dans la situation des anciens esclaves, eux aussi en grande partie devenus agriculteurs. Or les inégalités subsistaient bien quils fussent apparemment libres : mauvaise répartition des revenus, racisme envers les planteurs noirs.
La rébellion prend forme et à lautomne 1865 elle explose à Morant Bay, au sud-ouest de lîle sous la direction de Paul Bogle. Mais le scénario de la "Sam Sharpe Rebellion" se répète : plusieurs centaines de paysans occupent des terres mais la révolte est rapidement matée et Paul Bogle pendu.
Cest à travers des révoltes comme celles de "Sam Sharpe" ou de "Morant Bay" que sest forgée la tradition de résistance à lautorité du peuple jamaïcain que lon retrouve dans le rastafarisme.
La religion venue des Etats-Unis à travers des églises baptistes qui se sont implantées autour du milieu du XIXe siècle, ainsi le "Great Revival" a rapidement intériorisé les formes de religions dorigine africaine et est ainsi devenu un culte syncrétique (fusion de plusieurs doctrines) mélangeant christianisme et diverses autres pratiques.
Les passages de la Bible sur lAfrique et lEthiopie sont nombreux et peu à peu, à la lecture des textes sacrés, les regards se tournent naturellement vers lEthiopie : le rastafarisme est naissant.
Le déclencheur de lérection de lEthiopie en "Terre promise" est lhomme politique dorigine jamaïcaine Marcus Garvey qui dans un discours prononcé en 1916 avant son départ pour les Etats-Unis, prophétise laccession au trône de Haïlé Sélassié Ier en évoquant le psaume 68 :
« Des grands viennent d'Egypte et d'Ethiopie les mains tendues vers Dieu. Royaumes de la terre, chantez 0 Dieu, Célébrez le Seigneur! - Pause. Chantez à celui qui s'avance dans les cieux, les cieux éternels ! Voici, il fait entendre sa voix, sa voix puissante. Rendez gloire à Dieu ! Sa majesté est sur Israël, et sa force dans les cieux. De ton sanctuaire, ô Dieu! tu es redoutable. Le Dieu d'Israël donne à son peuple la force et la puissance. Béni soit Dieu ! »
Haïlé Sélassié, Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs, descendant du Roi David et donc de Dieu est ainsi annoncé en 1916 par Marcus Garvey. Haïlé Sélassié est proclamé négus en octobre 1928. Un autre fragment du discours de Garvey en 1916 le laisse aussi entrevoir : "Cherchez en Afrique le couronnement dun roi noir, il pourrait être le Rédempteur."
Le rastafarisme est avant tout une religion qui se caractérise par ses nombreux emprunts au christianisme auxquels sont ajoutés une mise en valeur de lAfrique et particulièrement de lEthiopie considérée comme la terre promise et donc lieu de rapatriement de tous les rastafaris. Cest un culte messianique dont le centre est lEmpereur dEthiopie Haïlé Sélassié : la dernière réincarnation de Dieu sur Terre. Le prophète principal est Marcus Garvey, dont le second prénom, Mosiah, fait référence à Moïse, le prophète libérateur des Hébreux.
- Marvus Garvey -
Dans les années 30, le rastafarisme était encore peu connu mais le rôle de Marcus Garvey dans lémancipation des Noirs dAmérique a été majeur.
LUniversal Negro Improvement Association (UNIA) est une organisation créée en 1914 en Jamaïque par Marcus Garvey et dont la devise était : "Un Dieu ! Un but ! Une destinée !". Ce mouvement sest considérablement développé aux Etats-Unis après lémigration de Garvey en 1916. En effet, en 1919, lUNIA ne comptait pas moins de 30 branches dans différentes villes des Etats-Unis. Garvey affirmait avoir plus de 200000 membres. Il fonda également un organe de presse nommé The Negro World, dans lequel il déclara : "lAfrique doit être vénérée et nous devons tous sacrifier, notre humanité, notre richesse et notre sang à sa cause sacrée."
En valorisant la "négritude", Garvey a contribué à laffirmation des noirs dans toute lAmérique, au même titre que Martin Luther King ou Malcolm X. Les conférences de lUNIA de 1919 à 1922 connurent des grands succès populaires. Elles débouchèrent sur la création de firmes industrielles tenues exclusivement par des noirs et dune compagnie de construction navale et de navigation réservées elles aussi aux noirs.
A son retour en Jamaïque en 1927, il fut accueilli en véritable libérateur et tint une conférence de lUNIA pour la première fois en Jamaïque en 1929.
Son impact fut double : tout dabord, son importance fit prendre conscience aux rastafaris de létendue de la lutte des noirs en Amérique pour saffirmer et revendiquer des droits et plus de liberté ; ainsi, une autre solution que celle du rapatriement en Ethiopie apparaissait, même si cette idée nallait vraiment se développer quau long des années 1950. La seconde conséquence de cette conférence fut de faire connaître Marcus Garvey à un grand nombre de jamaïcains et donc de contribuer à lélaboration et à lintégration de ses idées dans le rastafarisme.
Ses thèses principales se définissent selon deux orientations :
- La première, voir en lAfrique la patrie de tous les noirs immigrés. Loin dêtre un défenseur du rapatriement, Marcus Garvey a cherché à renouer des liens avec lAfrique et à mettre laccent sur la richesse de la civilisation africaine.
- La seconde orientation principale des thèses de Marcus Garvey est la religion. Dans ce domaine aussi, il tient à rattacher le plus possible la Bible à lAfrique, dans le but denlever aux blancs le monopole de lenseignement religieux et pour donner à ses auditeurs le sentiment dappartenir à un peuple élu et donc au-dessus de la domination des blancs.
Marcus Garvey avait prophétisé le couronnement de Haïlé Sélassié, il devint ainsi le prophète de tous les rastafaris. Des thèses de Garvey sont intégrées à lidéologie rastafari comme de saints commandements, tels laffirmation des noirs par la revendication, la vénération de lEthiopie.
Le mode de vie rastafari se veut respectueux des principes définis par la Bible. Lapparence extérieure des rastas le prouve. La majorité porte des nattes et une barbe. Dans la Bible, il est dit : Lévitique, 21:5 :"[
]les prêtres ne doivent pas se faire de tonsure, ni se raser la barbe sur les côtés, ni se faire des entailles sur le corps."
Mais si certains rastafaris arborent des nattes (appelées dreadlocks) impressionnantes, il nest pas rare de voir des rastafaris rasés. En outre, la Bible précise que cette coutume nest obligatoire quen cas de deuil. Une autre justification de ces nattes est la volonté dimiter les guerriers éthiopiens des siècles passés qui se caractérisaient
par leur coiffure imposante du fait de leurs nattes tressées comme pour symboliser un casque.
La sacralisation de lHerbe est un point important de lidéologie rastafari. La Ganja nest utilisée que dans la pratique religieuse. On en trouve une justification biblique dans La Genèse : 3:18: "you shall eat the herb of the field" , mais aussi dans les Psaumes: 104:14: "Cest toi qui fait pousser lherbe pour le bétail, et les plantes que les hommes cultivent ". Ou encore les Psaumes, 18:9 : "Une fumée montait de ses narines [
]" Apocalypse, 22:2 : "[
] Ses feuilles [de larbre de la vie] servent à la guérison des nations."
La visite de Haïlé Sélassié en 1966 est décisive dans le changement de cap de lidéologie rastafari. En effet, les principes du rapatriement et du rejet de la Babylone jamaïcaine y restaient ancrés. Bien quelles ne fussent plus au premier plan dans les années 1960, des tentatives de rapatriement avaient été tentées jusquà la fin des années 1950. La visite de lempereur dEthiopie en avril 1966 se solda par une dernière tentative de rapatriement. Mais ce nétait plus quun combat darrière-garde.
Haïlé Sélassié dans un discours devant plus 10.000 adeptes proposa aux rastafaris : "la libération avant le rapatriement". Cela signifie que les rastafaris doivent libérer Babylone (le monde de loppression) avant de pouvoir espérer un repos mérité en Ethiopie.
Lassimilation de la Jamaïque à Babylone reste présente dans le rastafarisme même dans les années 1960 et 1970, mais sous une autre forme. Ce nest plus le pays tout entier qui est rejeté comme un lieu étranger; ce qui est dorénavant stigmatisé est la société jamaïcaine, du moins celle des possédants.
De nos jours le rapatriement en Ethiopie nest plus une priorité, seul le combat pour la liberté prime, le rastafarisme sest répandu sur la planète entière et touche désormais toute les couches de la population même si il y a aujourdhui beaucoup plus de sympathisants que de pratiquants.