Re: La police.
TU CROIS ?
Paris, le 4 juillet 2002, 18h30. Ce soir-là, Diane, une jolie femme de 37 ans dorigine béninoise, vient chercher sa fille dans une crèche du nord de Paris. Puis cette vendeuse dun magasin chic monte dans le bus, sa fillette de 3 ans dans les bras, une poussette à la main. Le bus est presque vide, Diane dépose la voiture denfant, dépliée, dans le coin réservé aux handicapés. Un contrôleur lui demande sa carte Orange, elle sexécute. Un quart dheure plus tard, il lui ordonne de replier la poussette. Elle refuse. Elle sait que quand les bus sont vides, deux poussettes peuvent être déposées, dépliées, là où elle a mis la sienne. « Bougez votre cul et pliez-la ! » Diane sobstine. Le bus repart et, à la grande surprise des passagers, qui se taisent pourtant, ne prend pas le chemin habituel. Il sarrête enfin devant une mairie. Là, deux policiers demandent ses papiers à la jeune femme. Elle donne sa carte de résidente, parfaitement en règle. Elle veut la reprendre. Violente claque au visage. A coups de pied, le policier la tire pour quelle descende du bus, la menotte et lui fait traverser la rue pour rejoindre un fourgon. Diane a honte, cest son quartier. Elle crie. « Sale négresse, répond le policier. Cest à cause de gens comme toi que la France est dans cet état-là ! » Sa fille pleure, terrorisée. Quimporte, elle monte avec sa mère dans le fourgon. Direction le commissariat. Les menottes blessent la jeune femme. Elle les garde jusquà 22 heures. Là, un autre policier lui demande son salaire, le nom et le prénom de ses parents. Diane refuse encore, demande laide de son avocat : « Ton avocat et toi, je vous encule. Signe cette déposition ! » Nouveau refus. « Tu vas rester ici, et ta fille, elle ira à la Ddass. » Finalement, à 22h45, un policier lui dit : « Casse-toi ! » La police porte plainte pour « rébellion ». Diane aura quinze jours darrêt maladie. Depuis, la peur chevillée au ventre, elle nouvre plus les volets de son appartement.
Bordeaux, le 11 novembre 2002, 23 heures. Jean-Paul, 24 ans, étudiant en maîtrise danthropologie, sort dune boîte du centre-ville avec quatre copains. Ils nont pas envie de se quitter, sassoient pour discuter dans un hall dimmeuble. « Sauf ma copine, on avait un peu bu. On a dû faire du bruit. » Cinq minutes plus tard, trois policiers de la BAC débarquent, les aveuglent avec une torche, leur demandent de se lever. Lun dentre eux reste assis. Il reçoit un coup de pied dans les jambes. Jean-Paul demande des explications, il est menotté et plaqué au mur. Son amie, dorigine togolaise, tente de sinterposer. Un policier lui tire les cheveux, lui donne des coups de pied dans les jambes. Elle est menottée, on lui plaque une matraque sous la gorge. « Ma copine et moi avions les poignets en sang. » Lun des copains de Jean-Paul, chef dentreprise, sera relâché sur-le-champ. Le jeune homme et la jeune femme, eux, vont passer huit heures au poste. Sur la déposition concernant la jeune femme, un policier écrit : « Race : négroïde ». Les policiers portent plainte pour « rébellion ». Pendant trois semaines, lamie de Jean-Paul na ni mangé ni dormi.
Pantin, le 3 novembre 2002, 20 heures. Les contrôles didentité, Abdou en a lhabitude. Ses papiers sont en règle, son casier judiciaire est vierge. Alors, quand le CRS le contrôle, il ne sen fait pas. Mais quand le policier lui passe les menottes et lui demande de monter dans le car, cet étudiant de 19 ans, français dorigine africaine, ne comprend pas. Il comprend encore moins quand il voit le car filer vers Le Bourget. Tout à coup, le véhicule s arrête, en pleine zone industrielle. On lui demande de sortir, on lui enlève les menottes, deux CRS le prennent par les épaules et un troisième commence à le frapper au visage. Les coups pleuvent, accompagnés dinsultes : « Sale Noir, rentre chez toi ! » Soudain, ils cessent. Les CRS repartent. Abdou rentrera chez lui à pied. Il a la mâchoire brisée. Il na pas déposé plainte. Il a peur.
Marseille, le 1er juin 2002, 22h30. Eric Delmas, 37 ans, et ses amis, enseignants ou agents de service dans un collège des quartiers Nord de Marseille, vont boire un verre dans le centre-ville. Embouteillage. Le conducteur klaxonne. Des policiers arrivent aussitôt : « Sortez, contrôle d identité. » Delmas : « Pourquoi vous nous verbalisez ? » Un policier : « Viens voir, on va parler des quartiers Nord en tête à tête. » Eric Delmas : « Oui, mais devant témoin. » Il est immédiatement jeté à terre, bourré de coups de pied. Le conducteur subit le même sort. Anna, une de leurs amies, appelle au secours. Frappée à la tête, au corps, elle est avec les autres profs, sauf le conducteur, violemment propulsée dans le fourgon. La jeune femme étouffe ? Une nouvelle claque. Eric Delmas proteste. Le commissaire : « Vous êtes des profs de merde, dans des collèges de merde, avec des élèves de merde ! » Voilà pourquoi ils sont là : ils enseignent dans un quartier difficile, essentiellement peuplé de jeunes issus de limmigration. Eric, un prof et la jeune femme sont fouillés au corps, dépouillés de leurs vêtements. Eric Delmas est isolé dans une cellule maculée durine. Douze heures plus tard, ils sont libérés. Les policiers portent plainte pour « outrage et rébellion ». Epaulés par un comité de soutien, les enseignants portent plainte avec constitution de partie civile. Anna a passé dix jours à lhôpital. A l audience, les policiers ont tout nié en bloc. Jugement le 27 mars.
Paris, dans la nuit du 19 au 20 mai 2002. Mohamed et Ismaël, vigiles dans une grande surface, constatent que des cambrioleurs se sont introduits dans les réserves. Ils ne parviennent pas à coincer les voleurs. Alors ils appellent le directeur du magasin et la police. Une première patrouille arrive. Puis une seconde. Quand le car sarrête devant le magasin, deux policiers ordonnent aux deux vigiles de lâcher leurs barres de fer. Confondus avec les malfaiteurs, Mohamed et Ismaël sont menottés et plaqués au sol. Réalisant leur erreur, les policiers les libèrent. « Vous nêtes que des incapables », dit Ismaël. Il est à nouveau menotté et embarqué. Le fourgon sarrête, dans une rue sombre. « Sale bâtard, négro, babouin ! », lance un policier, en lui donnant des coups de poing dans le bas-ventre. Le policier le plaque ensuite contre la vitre arrière et lui assène un coup de matraque sur les lèvres. Ismaël est tiré par les menottes jusquau commissariat. Les policiers portent plainte pour « outrages ». Il est gardé à vue pendant quelques heures. Le vigile devra cesser son travail pendant seize jours. Les voleurs courent toujours.
Houlgate (Calvados) le 17 août 2002, 22 heures. Cest la fin des vacances. Jean-Louis, 28 ans, informaticien, et sa femme Florence attendent le feu d artifice en buvant un verre. Soudain, Jean-Louis saperçoit que sa moto, mal garée, gêne les couples qui dansent sur la place. Il veut la dégager. La rue est en pente, la moto pèse 230 kilos. Pour ne pas tomber, il met les gaz, mais avance à pas comptés. Il sent un coup violent dans le dos. Des CRS, qui le prennent sans doute pour un voleur le menottent. Au commissariat, on linsulte : « Fils de pute, tu aurais pu écraser un enfant ! » On le frappe à la tête. Il sent les ongles qui senfoncent dans son cou. Après une nuit de garde à vue, les policiers portent plainte parce que Jean-Louis a « omis sciemment dobtempérer à trois reprises à une sommation de sarrêter ». Le 12 novembre, il est condamné à une suspension de permis de quatre mois. Jean-Louis, lui, na pas porté plainte : « A chaque fois que j entreprenais une démarche, je craquais. » Après cette affaire, il a consulté un psychothérapeute pendant six mois. Incapable de prendre une initiative. Il na toujours pas le droit de conduire sa moto. Mais il ne sait pas sil reprendra un jour le guidon.
Créteil (Val-de-Marne), dans la nuit du 18 au 19 décembre 2002, vers 1 heure du matin. David, un trader dorigine camerounaise, raccompagne son amie Aby. Une voiture le suit, le rejoint, éclaire son véhicule avec une torche. Une femme policier le somme de sarrêter. David : « Quel est le problème ? » La femme : « Descends de la voiture, petit con. » David finit par se garer. La policière ne lui demande pas ses papiers mais tente, en le prenant à la gorge, de le faire sortir par la fenêtre ouverte. Elle lui passe les menottes : « Tu vas voir, sale nègre, je temmène au poste, petit con. » Le trader est plaqué au sol, la face contre le bitume. La femme sassoit sur lui, linsulte à nouveau. Les autres policiers le traînent jusquau car. Direction lhôtel de police. Au poste, la femme resserre très fort les menottes : « Des comme toi, jadore les mater. » Et à nouveau des coups de coude aux côtes. Le trader lui dit quelle abuse de son pouvoir. Résultat : coups de coude, étranglement, renversement sur le sol glacé. David garde son calme. Quelques heures plus tard, on lui demande enfin ses papiers. Les policiers découvrent quil est trader, quil habite le 7e arrondissement, un quartier chic de Paris. A midi, il est relâché, accusé de « rébellion ». Laffaire sera classée sans suite. David, lui, porte plainte pour « coups et blessures et injures raciales ».
Paris le 23 décembre 2002, 15h30. Il ny a pas si longtemps, Omar Baha, 38 ans, comédien, a tourné un film publicitaire pour la gendarmerie. Cet après-midi-là, à la hauteur du métro Château-dEau, il voit, plaqué au sol, un jeune homme dune vingtaine dannées se faire bastonner par cinq à six policiers. Pas loin de là, un petit garçon pleure. Un autre policier gaze un petit groupe avec une bombe lacrymogène. « M. Sarkozy a demandé quon lui relate toutes les bavures, lance Omar aux policiers. Il me semble que vous êtes en train den faire une, et si je peux me permettre, vous nêtes pas maîtres de vos nerfs. » Un policier sapproche de lui et lui donne avec le cul de la bombonne de gaz un violent coup sur le nez. Le comédien est alors roué de coups, menotté et précipité dans le fourgon. Arrivé au commissariat, le policier qui la frappé le fait descendre avec brutalité. Omar persiste : « Je vais porter plainte contre vous, M. Sarkozy entendra parler de vos agissements. » « Sarko, je men fous, cest moi la loi ici ! » Omar est plaqué au sol pour quil sagenouille, on lui colle la tête contre le mur. Il est ensuite fouillé, palpé, on lui prend sa carte didentité (française). Arrive laudition : on lui retire les menottes, on lui demande denlever ses vêtements personnels, de les mettre dans une petite boîte. Chef d accusation : « incitation à lémeute et rébellion ». Omar réfute. Garde à vue de 24 heures, avec prolongation possible de 24 heures. Omar sentretient avec lavocate commise doffice. Direction la cellule. A 22 heures, on l emmène à lHôtel-Dieu. Diagnostic : fracture du nez. Retour au commissariat. Quand Omar sort enfin de lhôtel de police, quarante-huit heures plus tard, cest Noël. Entre-temps, plusieurs fois confronté aux policiers, il dément à chaque fois ce quon lui reproche. Il est déféré au parquet. De nouveau plusieurs fouilles corporelles. Comparution immédiate. La juge, après l avoir écouté, le libère enfin. Depuis, Omar a peur. Pour recueillir des témoignages, il a collé dans le quartier quelques affichettes, avec son numéro de téléphone. Des témoignages, il en a reçu. Des menaces de mort aussi. Depuis, deux des policiers ont été suspendus par le ministre de l Intérieur, qui diligente une enquête. Omar Baha comparaît le 7 février devant le tribunal correctionnel. Il encourt six mois de prison ferme.
Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) le 10 octobre 2002, 16h30, cité des Hautes-Noues. Mohamed Marwan, chercheur en sociologie et président de l association Cest Noues, na jamais vu ça de sa vie : « Ils ont tapé sur tout le monde. Les parents, les enfants, les commerçants étaient outrés. » En ce milieu daprès-midi, un jeune du quartier fait un rodéo à moto. La directrice de lécole, inquiète pour la sortie des classes, appelle la police. La BAC arrive, prend la moto, mais ninterpelle pas le gamin qui a pris la fuite. Les policiers essuient quelques jets de cailloux et puis sen vont. Pour eux, laffaire est réglée. Mais pas pour un commissaire : « On va pas laisser ça comme ça ! », lance-t-il à ses troupes. A 18 heures, une centaine de policiers de Villiers mais aussi des banlieues voisines débarquent et frappent à coups de matraque, de tirs de flashball. Ils lancent des bombes lacrymogènes. A cette heure-là, les pères discutent entre eux, les mères font leurs courses, les jeunes samusent. Les policiers ne font pas le tri. La boulangère nen revient pas. A lanimateur qui prône le dialogue avec les habitants, le commissaire répond : « Je men fous de votre dialogue. Maintenant, cest comme ça. Point barre. Cassez-vous. » Coups à la tête, entorses, plâtres, les certificats médicaux parlent deux-mêmes. Huit jeunes sont interpellés. Deux seront condamnés. Le premier à soixante heures de travaux dintérêt général, le deuxième, qui revenait dune mission humanitaire mais dont le casier judiciaire nétait pas vierge, à six mois de prison ferme. Commentaire de Mohamed Marwan : « Sils avaient interpellé les jeunes qui ont jeté des cailloux, je naurais rien à dire. Mais là, cest gratuit. Et les mômes de la cité ont encore plus la rage. »
Marseille, le 1er octobre 2002, 21h30, cité Font-Vert. Ibrahim, 20 ans, regarde tranquillement « Star Academy » avec sa sour. Jeune footballeur professionnel à LIle-Rousse, en Corse, il est en convalescence chez ses parents. A la suite dun méchant accident lors dun match, on lui a fait quatre greffons au bras. Il est plâtré. Il entend du bruit dans la cage d escalier et pense que cest son infirmier. Erreur. Des policiers de la BAC tentent dinterpeller un dealer. Ibrahim sort, se retrouve face à lun d entre eux, un flashball à la main. Il braque Ibrahim. « Que se passe-t-il ? demande le jeune homme. Rangez votre arme ! » Les policiers sont persuadés que le dealer est caché dans lappartement. « Eh bien, entrez », dit calmement le footballeur. Ils ne lécoutent pas, font descendre Ibrahim. Le policier au flashball tape sur les murs : « On va tous vous niquer maintenant. Te prends pas pour Anelka. Nous, les Noirs, on les mate. » Un peu plus tard, Ibrahim se retrouve en garde à vue à la brigade des stupéfiants. Très vite, il est relâché. Mais la police, elle, « le veut ». Le footballeur est immédiatement transféré au commissariat. Quarante-huit heures de garde à vue. Comparution immédiate. Relaxe immédiate : non seulement son dossier est vide, mais les policiers ont tout simplement oublié, au commissariat, de prolonger la procédure de garde à vue. Aujourdhui Ibrahim a retrouvé la Corse, et le foot.
Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) le 10 octobre 2002, 16h30, cité des Hautes-Noues. Mohamed Marwan, chercheur en sociologie et président de l association Cest Noues, na jamais vu ça de sa vie : « Ils ont tapé sur tout le monde. Les parents, les enfants, les commerçants étaient outrés. » En ce milieu daprès-midi, un jeune du quartier fait un rodéo à moto. La directrice de lécole, inquiète pour la sortie des classes, appelle la police. La BAC arrive, prend la moto, mais ninterpelle pas le gamin qui a pris la fuite. Les policiers essuient quelques jets de cailloux et puis sen vont. Pour eux, laffaire est réglée. Mais pas pour un commissaire : « On va pas laisser ça comme ça ! », lance-t-il à ses troupes. A 18 heures, une centaine de policiers de Villiers mais aussi des banlieues voisines débarquent et frappent à coups de matraque, de tirs de flashball. Ils lancent des bombes lacrymogènes. A cette heure-là, les pères discutent entre eux, les mères font leurs courses, les jeunes samusent. Les policiers ne font pas le tri. La boulangère nen revient pas. A lanimateur qui prône le dialogue avec les habitants, le commissaire répond : « Je men fous de votre dialogue. Maintenant, cest comme ça. Point barre. Cassez-vous. » Coups à la tête, entorses, plâtres, les certificats médicaux parlent deux-mêmes. Huit jeunes sont interpellés. Deux seront condamnés. Le premier à soixante heures de travaux dintérêt général, le deuxième, qui revenait dune mission humanitaire mais dont le casier judiciaire nétait pas vierge, à six mois de prison ferme.
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